Florient Zwein | Photographe | Paris - France | +33630111188 | florient.zwein@hotmail.fr | 2020
Florient Zwein
Photographe
Liban,
une petite parcelle de terre,
coincée entre la mer et l'enfer
Liban,
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Ce pays que l’on veut tous quitter,
celui qu’on aimera et détestera toujours,
celui où nous reviendrons toujours,
celui pour lequel nous nous battrons,
celui auquel nous appartenons.
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Pour certains c’est le plus beau des pays, pour d’autres c’est une prison à ciel ouvert, une petite parcelle de terre coincée entre la mer et l’enfer.
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On me demande souvent ce que je suis venu faire dans ce pays que tout le monde veut quitter, moi qui pourrait être ailleurs, moi qui pourrait vivre en France, moi qui ai vu plus de 40 pays dans ma vie aux quatre coins du monde, on me demande souvent ce qui me retient ici, dans cette petite parcelle de terre coincée entre la mer et l’enfer.
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C’est vrai ça, pourquoi ? Pourquoi rester dans un pays où l’électricité se coupe 12h par jour ? Pourquoi rester dans un pays où la moitié des gens vivent sous le seuil de pauvreté ? Pourquoi rester dans un pays où les routes prennent l’eau quand il pleut et où l’eau courante ne tient pas la route même quand il ne pleut pas. Pourquoi rester dans un pays où ceux qui gouvernent n’ont que faire de ceux qui y vivent, qui ont laissé une bombe détruire la moitié de la capitale ? Pourquoi rester dans un pays qui s’enfonce jour après jour un peu plus profondément dans le chaos, où pas plus tard qu’il y a deux jours un homme s’est brûlé vif dans la rue car l’envie de mourir était plus forte pour lui que le mal de vivre ? Pourquoi rester alors que je pourrais être ailleurs ? Pourquoi rester dans cette petite parcelle de terre coincée entre la mer et l’enfer ?
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Une phrase me vient souvent à l’esprit quand on me pose la question : « les Hommes libres peuvent partir, et parfois ils restent. C’est peut-être cela la plus belle preuve d’amour, prendre la liberté de rester alors qu’on pourrait s’en aller ». Car c’est bien d’amour qu’il s’agit, non pas seulement envers un pays mais aussi et surtout envers un peuple. Un peuple fort mais un peuple blessé, un peuple beau mais un peuple triste, un peuple fier mais un peuple à genoux. Un peuple qui se battra jusqu’au bout pour sa liberté, pour son prochain, un peuple qu’aucune bombe ne fera jamais taire. Un peuple qui vit, genoux à terre mais poing levé, dans une petite parcelle de terre coincée entre la mer et l’enfer.
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Il suffit d’être venu ne serait-ce qu’une seule fois à Beyrouth pour comprendre ce qui me retient ici. Il suffit d’avoir vu ces montagnes majestueuses surplombées d’un manteau de neige se plonger dans la mer pour comprendre. Il suffit de se balader dans une de ses rues et de sentir l’odeur d’une bonne manouché au matin pour comprendre. Il suffit d’entendre ce doux son de dés frapper contre le bois vernis pour comprendre. Il suffit de flâner sur ce bord de mer, de sentir cette douce odeur de narguilé tout en regardant les pêcheurs les pieds dans l’eau pour comprendre. Il suffit d’entendre le vendeur de café dans la rue frapper ses tasses en porcelaine l’une contre l’autre dans sa main pour comprendre. Il suffit d’être réveillé le matin par le chant du muezzin et d’avoir sa journée rythmée au son des cloches d’une église pour comprendre. Il suffit d’avoir goûté ne serait-ce qu’une seule fois à un bon taboulé ou d’être sorti ne serait-ce qu’un soir dans une rue de Gemayze pour comprendre. Il suffit d’avoir croisé le regard et le sourire de ces gens et d’avoir entendu ne serait-ce qu’une seule fois un "Ahlan wsahlan" pour comprendre.
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Parce que malgré tout, dans cette petite parcelle de terre coincée entre la mer et l’enfer se trouve un petit pays, un paradis perdu qu’on appelle Liban et ce pays est le mien. Un pays beau et triste à la fois. Vous pouvez le quitter, mais le Liban lui ne vous quittera jamais.